J’aime beaucoup Di6dent. C’est le seul magazine de jdr depuis feu Backstab qui arrive à avoir un ton, sans tomber dans le wannabe transmédia kislapète ni la nostalgie pour vieux cons sclérosés dans le Cthulhu et le Donj. Le seul truc qui m’énerve c’est que les articles ne sont pas signés, et parfois c’est dommage. Or donc Di6dent, dans son dernier numéro spécial “argent et jdr”, lâche un certain nombre de chiffres, dont mon préféré: combien est payé un auteur de jdr (quand il est payé). J’ai donc retrouvé un truc écrit en 2005, et dans ma grande entreprise de stockage de trucs écrits à droite à gauche, je le colle là.

En sept ans c’est bien sûr très daté (certain chiffres avaient déjà 5 ans à l’époque), vous excuserez l’odeur de naphtaline. Mais il semblerait que pour les piges de jdr pro, ça n’ait pas trop bougé. Par contre, pour les piges de presse je suis plus curieux.

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Vous avez peut-être manqué la conférence “Comment (ne pas) éditer son jdr” à la dernière édition d’Orc’Idée, qui avait abordé -entre autres- les salaires envisageables dans l’écriture de jdr.

A la demande de divers rôlistes, j’ai combiné ces informations avec d’autres sources (collègues, vieux relevés de compte etc) et voici donc les chiffres qui tuent (en euros et concernant le marché français, pour le marché US voir l’article de Lloyd Brown sur RPG.net, http://www.rpg.net/news+reviews/columns/free13oct05.html).

Mais tout d’abord quelques précisions :

1. Personne en France ne touche un salaire fixe d’un éditeur uniquement pour écrire des jeux de rôle. Je répète, il n’y a pas de salarié d’un éditeur de jeu de rôle payé uniquement pour écrire des scénars, des suppléments etc. à plein temps. Ca n’existe pas. Toute information visant à prouver le contraire sera la bienvenue, bulletin de salaire à l’appui.

2. Ca ne veut pas dire que personne en France n’essaye de vivre uniquement de sa plume. En combinant beaucoup de boulot pour beaucoup d’éditeurs différents, on peut survivre. Le problème se situe plus au niveau du chômage technique : le marché est trop petit pour fournir assez de boulot assez régulièrement pour avoir un train de vie correct.

3. La quantité de texte en jdr se mesure en signes (tous les caractères, espaces compris). La notion de « nombre de pages » ne veut pas dire grand-chose, car selon la maquette, un livre peut doubler de taille sans contenir un mot de plus. Les scénars de l’ancien Casus faisaient dans les 17 000 signes, le scénar de base d’un supplément fait souvent dans les 50 000.

4. Les chiffres cités sont des ordres de grandeur. On ne chipotera pas à 3 euros près.

Comment ça marche
La rémunération peut être calculée selon deux manières : au pourcentage ou au signe.

Un paiement au pourcentage dépend du prix de vente du bouquin, du nombre d’exemplaires vendus et non de la quantité de texte écrite. Plus le bouquin est cher (couverture dure quand tu nous tiens) et plus il se vend bien, plus il rapporte.

Quand j’écrivais pour In Studio, nous étions payés 15% du prix éditeur soit 6% du prix public. La seule limite en taille de texte venait de ce que nous avions envie de dire, ce qui donnait des bouquins très pleins (les Encyclopedia Spiritis ont dépassé le million de signes) et donc très mal payés pour leurs auteurs. On s’en fichait un peu, on faisait ça par amour du jeu et pour la gloire.

Exemple de paiement d’un supplément In Studio : 16 euros pour 10 000 signes

Les mêmes auteurs, pour leur collaborations aux suppléments du même jeu mais publiés par Asmodée étaient payés au signe, ce qui change pas mal la donne. Et explique aussi que les suppléments Asmodée soient moins fournis que les suppléments In Studio : le signe, ça coûte cher à Asmodée.

Exemple de paiement d’un supplément Asmodée : 45 euros pour 10 000 signes.

Ce tarif fut longtemps le tarif en vigueur chez tous les éditeurs « sérieux » et se révèle assez honorable comparé à l’édition classique.

Les éditeurs « sérieux » n’étant plus forcément très nombreux, certains auteurs sont payés autrement :

-pas du tout, dans le cas de pigistes Multisim sur la fin

-en nature, comme des pigistes chez Oriflam. Leurs salaires au pourcentage auraient dû s’élever à 32 euros pour 10 000 signes (petit supplément Post-mortem) et 20 euros pour 10 000 (gros supplément Hawkmoon) mais vu la situation financière de la boîte, ils ont accepté l’équivalent en matériel de jeu.

Et pour le PDF ?
Voici un post forumien de Cege, grand ordonnateur d’indie-rpg.org, la référence francophone en la matière.

NB : notez bien qu’on parle ici d’argent qui va au label (à répartir entre auteur, illustrateur, maquettiste etc)
NBB : EWS a depuis fait faillite, indie-rpg propose différents contrats, de 20 à 30% de commission de commission.

“Quelques chiffres
En Français, chiffres EWS
– un jeu PDF qui se vends TRES bien, en France, on peut estimer, en fonction des courbes de ventes, qu’il peut atteindre les 300-350 exemplaires sur l?année.
– un jeu PDF qui se vend moyennement bien, à peu près la moitié, soit environ 150 sur une année.

A noter que ces chiffres se basent sur une estimation basée sur le premier trimestre 2005 et qu’il faudra attendre 9 mois avant d’avoir une réelle visibilité. Le marché du PDF francophone est encore jeune et doit faire ses preuves.

En anglo-saxon, chiffres RPGnow :
– un jeu PDF qui se vends TRES bien peut atteindre les 500-1000 exemplaires sur l’année
– un jeu PDF qui se vends moyennement bien peut atteindre les 500 exemplaires sur l’année
(en général du D20 system, diviser ce chiffre par 2 pour les indie)

Et combien ça coûte, combien j’y gagne ?
Chez EWS, en ce qui concerne les Labels Indépendants, nous prenons 25% du prix de vente Hors Taxes et hors frais, soit, pour un PDF vendu 10€, les frais (Banque et état, s’élèvent à peu près à 60 centimes.) Les 25% d’EWS représentent les frais de gestion, de mise en ligne, de suivi commercial auprès des acheteurs, la maintenance, etc.) Sur 10€ TTC (soit 9,40 euros hors frais et taxes), cela représente 2,35€ environ. Il reste donc à l’éditeur/auteur environ 7€ de gain par exemplaire vendu à 10€ prix public. “

Et la presse ?
La presse jdr paie mieux, c’est indéniable. Ils vendent plus d’exemplaires par numéro qu’un éditeur de suppléments mais ont surtout des revenus publicitaires, ce qui entraîne une rémunération quasi-double du « tarif syndical ».

Exemple : une critique d’une page dans Casus : 45 euros pour 5000 signes

Les remarques sur le chômage technique s’appliquent tout autant à la presse qu’à l’édition, et il faut également garder en tête le temps hors écriture nécessaire : lecture du bouquin pour une critique, documentation et éventuellement tests pour un scénario ou du background.

Voilà, en espérant avoir fait tomber quelques idées reçues, n’hésitez pas à poser des questions ou à apporter vos propres chiffres.

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Photo by jespis on Flickr License Attribution, Noncommercial

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5 Responses to Salaires et jdr, 2005-2012

  1. Alias says:

    On peut rajouter à cela la question de combien coûte un jeu de rôle à fabriquer. C’est quand même un média qui coûte super-cher à produire, l’air de rien.

  2. merci pour les compliments sur Di6dent !
    par contre, tous nos articles sont signés ! Il n’y a que les productions réellement collectives qui sont signées “la rédac6on” mais tous les articles ont leur petit cartouche en bas de page 😉

    • Thomas B. says:

      Au temps pour moi! J’avais regardé en début d’article en haut de page et en fin d’article en bas de page mais pas au début en bas 🙂 Certains noms finissent un peu dans la reliure, mais ils sont bien là, donc correction.

      Un grand bravo à Julien Clément pour le scénar cyberqueer du numéro 1. Il est sympa en tant que tel mais son réel intérêt vient de la technique d’écriture par liste de pistes/indices/difficulté d’obtention. C’est très efficace en terme de signes et vraiment multi-systèmes. En tant que lecteur, le style est assez important pour moi en général mais je préfère de loin un scénario écrit comme ça façon “bulletpoints” qu’un truc qui essaie de faire du style et se plante magistralement, comme c’est trop souvent dans les scénario de jdr de la presse. Là c’est clair et efficace, et plus développé qu’un simple pitch donc bravo.

      Et dans la série “il y a un ton”, je suis content que Sanne donne son avis dans l’article sur le jdr suisse au lieu de rester neutre-mou comme d’autres magazines. Bon, il a des goûts de chiotte en matière de Nightprowler, mais au moins il les exprime :).

  3. […] à mon précédent article sur les salaires et le jdr et m’a déclaration d’amour à Di6dent, Michaël Croitoriu m’a rappelé que […]

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