Ce titre est de ma chère et tendre, c’est non seulement très juste mais aussi plus parlant pour le lectorat geeko-helvète de ce blog que “Orelsan, c’est le Fuzati de province”. Pour ceux qui ne connaissent ni l’un ni l’autre, dites vous que ce sont des mecs pas très beaux, avec des vies pas très reluisantes, mais qui sont carrément doués pour en parler de façon bien trash, se moquer d’eux même et vous faire rigoler au passage.

En bon expatrié toujours à la rue niveau nouveautés rap, j’ai seulement découvert Orelsan à l’époque de la polémique liée à son morceau Sale Pute. Je me suis donc procuré Perdu d’avance l’année dernière et y ai découvert un très bon rappeur. Le flow tient la route, les prods oscillent entre de nombreuses bouses commerciales inaudibles à refrain chanté et des morceaux plus hip-hop. Mais ce qui m’a surtout frappé est la qualité des textes par rapport à ce qui se fait en ce moment chez les moins de  trente ans. Orelsan allie un bon sens de l’observation (le genre de talent sublimé par Boulet et Gad Elmaleh) à une belle plume qui, sans atteindre les sommets d’Oxmo Puccino ou Gérard Baste, fournit de très chouettes punchlines (Tu parles de douilles et de plombs mais t’es électricien, Si c’est ça le rap game j’dois être le boss de fin).

Ces deux forces sont mise au service d’une description sans concession des souffrances adolescentes de la classe moyenne et une autodérision constante. Là où Fuzati est assez exigeant à l’oreille (prods jazz-rock, flow non-euclidien) et 100% clown blanc, Orelsan sait aussi faire l’Auguste. Mon côté parisien élitiste de merde dira que c’est son côté province, plus accessible, plus «ancien fan de hard rock». On retrouve donc un attachement aux mélodies entraînantes, un sacrifice au solo de guitare, et surtout un humour qui n’est pas toujours noir. Le contraste est d’ailleurs efficace entre le très dancefloor Soirée ratée et ses paroles hautement déprimantes. Si Vive la vie a sans doute plus plu aux branchouilles, Perdu d’avance est écoutable par la ménagère de moins de cinquante ans. Mais elle risque de faire une drôle de tronche quand elle fera attention aux paroles. Quand le Chant des Sirènes est sorti il y a quelques mois je me suis donc rué dessus et n’ai pas été déçu.

 

Certains bloguent, Orelsan fait des albums.

Dans la continuité thématique de Perdu d’avance, il décrit donc ce qui c’est passé depuis deux ans et sa vie à Paris. Encore une fois, les punchlines sont au rendez-vous (J’fais comme Rocky dans la réserve, j’m’en bats les steaks , Essaye d’écrire des bonnes paroles avant de la prêcher). Musicalement, les prods sont plus intéressantes que dans le précédent (il reste quelques bouses infâmes, «La terre est ronde», ou «Si seul»), avec du bon brutal électro-crunk-piou-piou comme «Mauvaise idée» et un excellent pastiche du rap français 90s avec en prime un clip façon Rapline, featuring Olivier Cachin.

Mon morceau préféré reste Suicide social, 5 minutes 48 de haine tous azimuts. Dans les interviews, Orelsan se réfugie derrière le prétexte du personnage mais personne n’est dupe, le mec se vide littéralement et tout le monde en prend pour son grade.

 

Et en vrai, c’est comment?

Comme j’ai toujours aimé juger sur pièces, j’ai profité de son passage en Suisse hier soir pour le voir en concert. On passera sur l’architecture DeMerde du D!Club, pas du tout adaptée aux concerts complets et on avouera qu’on a bien kiffé la soirée. Orelsan prend du plaisir sur scène, et comme d’habitude à Lausanne le public hip-hop était au taquet, ça bouge bien et hurle les paroles quand il faut. Les petites adaptations à la Suisse sont toujours appréciées, et le «1-9-9-nonante» était délicieusement absurde. Niveau faiblesses, le flow est pas encore super carré pour les nouveaux morceaux et le chant sans autotune fait un peu de peine. De vrais choristes auraient vraiment aidé, et globalement pas mal des gens étaient sous-exploités sur scène, dont Gringe et Ablaye, qui auraient pu soutenir les faiblesses par un peu plus de backs. Idem pour le groupe «live» je ne suis toujours pas convaincu de l’intérêt d’avoir un batteur, un bassiste et un clavier si c’est pour rejouer des boucles similaires aux albums un morceau sur deux. Niveau visuel, c’est assez rafraichissant de voir un rappeur blanc au crâne non-tondu, pas caché derrière un masque, un bonnet, une casquette ou des lunettes noires. Bref, le mec normal, en t-shirt, qui pourrait aussi bien te maîtriser une partie de jdr sauf que là il te fait un très bon bon concert de rap. Pour finir, hier soir Orelsan a une fois de plus prouvé que son talent réside dans les extrêmes. Il passe par l’humour avec Pour le pire, en plaquant des accords au piano et des fausse vocalises R&B (je vous laisse découvrir les paroles pour mesurer le décalage) ou avec les délires en blouson LC waïkiki / Cupidon du ghetto. Et il finit le concert sur Suicide social, ce qui confirme un certain don pour le grand écart. Orelsan, le Van Damme du hip-hop? Non, ça ce serait plutôt le Roi Heenok.

Allez, tchax O.

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